Fresques en casbah
rideau

En Casbah, une superproduction en couleurs et en cinémascope où l'on n'a lésiné ni sur les costumes, ni sur les éclairages, ni sur les figurants, ni sur les drapeaux, se joue dans le vieux décor de Pépé le Moko.
Chaque maison a décoré de fleurs, de palmes et de plantes vertes ses portes basses, ses patios minuscules et ses carrelages de mosaïque. Chaque façade a été lavée, crépie à la chaux et parfois peinte, comme au pochoir, dans le style épique des chansons de geste ou des images d'Epinal, de scènes édifiantes de la guerre ou de la révolution.
Tout le monde a revêtu des habits de fête, à moins que ce ne soit le vêtement patriotique fait de vert et de blanc, les deux couleurs de la libération. Sous les guirlandes de papier et de lumière, les ampoules dansantes et les lampions tremblotants éclairent les ruelles voûtées. C'est en dansant qu'ici comme ailleurs on célèbre les martyrs, les chouhada, mais la kermesse qui, ailleurs, est plus bruyante que chantante et manque de flonflons, trouve ici sa musique naturelle. Le chant à deux voix de la Derbouka et du Bendaïr, de la flûte et du tambourin, donne au bal musette son caractère arabo-musulman.
La kermesse en vert et blanc est tour­nante, virevoltante. Les cortèges n'arrêtent pas de se doubler ou de se croiser. La litanie toujours renaissante, interminable, des mots d'ordre scandés à pleins poumons ne s'arrête jamais, car l'antienne est inlassablement reprise, relancée sur un mode nouveau.
C'est incroyable que la circulation puisse se faire. Les digues, pourtant, se trouvent au milieu du fleuve et naissent du fleuve lui-même. Les jeunes gens du service d'ordre bénévole qui règlent la circulation, se trémoussent souvent d'une manière peu réglementaire, en sifflant pour faire stopper ou démarrer les voitures, mais lorsqu'ils se trouvent au bord de l'épuisement, des mani­festants sortent de la foule et viennent prendre aussitôt leur place fugitive dans le ballet des drapeaux agités à bout de bras. Qui commande, ce soir, dans la rue?. C'est le peuple. « Un seul héros, le peuple. »

peuple alger 1962
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